Des scientifiques établissent un lien entre l’exposition au mercure et la mort prématurée

https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1698204/etude-effets-exposition-mercure-mort-prematuree-grassy-narrows-autochtones

Une récente étude scientifique menée par des chercheurs canadiens montre une corrélation entre le taux d’exposition au mercure et la mort prématurée chez les membres de la Première Nation de Grassy Narrows, dans le Nord-Ouest ontarien.

L’étude publiée lundi dans la revue scientifique The Lancet(Nouvelle fenêtre) a été menée conjointement par les professeures Donna Mergler et Aline Philibert de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) et Myriam Fillion de l’Université TÉLUQ.

Les chercheuses ont analysé les données concernant des échantillons de cheveux et de sang prélevés entre 1970 et 1997 chez 657 membres de la communauté autochtone par des experts du gouvernement fédéral.

En consultation avec les dirigeants de la Première Nation, les chercheuses ont pu établir par la suite 36 paires formées chacune d’un individu mort avant 60 ans et d’un individu qui a vécu au-delà de 60 ans.

L’étude leur a permis de constater que << dans la Première Nation de Grassy Narrows, les individus morts avant d’atteindre l’âge de 60 ans avaient été exposés de manière plus significative au mercure entre 1970 et 1997 que ceux qui avaient vécu plus longtemps >>.

Les chercheuses ont aussi trouvé que l’âge au moment du décès diminuait d’une année avec chaque augmentation de 6,25 microgrammes/gramme en concentration de mercure dans les cheveux.

La valeur ajoutée de l’étude

Si d’autres études scientifiques ont déjà démontré les effets néfastes de la contamination par le mercure, celle des professeures Mergler, Philibert et Fillion est la toute première à souligner un lien aussi étroit entre la mortalité précoce et l’exposition au mercure.

Même si les études sur la mortalité prématurée au Canada s’intéressent généralement aux personnes décédées avant l’âge de 75 ans, les chercheuses ont dû abaisser leur seuil à 60 ans, parce qu’il n’y avait pas assez de personnes âgées de plus de 75 ans à Grassy Narrows pour former un échantillon raisonnable.

La neurophysiologiste Donna Mergler estime aussi que l’autre particularité de l’étude réside aussi dans le fait qu’elle est l’une des premières à s’intéresser à l’effet d’une grande consommation de poissons d’eau douce.

<< Des études faites sur la mortalité des gens en lien avec la consommation des poissons ont toujours montré des effets bénéfiques de la consommation surtout de poissons marins, qui ont des taux élevés de nutriments bénéfiques comme les acides gras oméga-3. On a lié ces avantages à la longévité, mais les poissons d’eau douce (des lacs et des rivières) n’ont pas autant d’oméga-3, donc on n’a pas les mêmes aspects bénéfiques dans ces poissons >>, indique-t-elle.

Un lien de cause à effet?

Dans leur article, les chercheuses notent deux principales limites de leur étude.

Aucune donnée n’existe pour la période comprise entre 1962 et 1970, alors que les professeurs estiment que la consommation de poisson provenant du bassin hydrographique English-Wabigoon était plus élevée parce qu’aucun avis n’avait encore été émis pour limiter la consommation de poisson.

La deuxième limite soulignée est l’absence de cause spécifique du décès des individus dont les données ont été évaluées.

Les chercheuses estiment aussi que d’autres études devraient être menées pour évaluer les effets de l’exposition au mercure in utero, une période critique pour le développement et en particulier pour le système nerveux.

La communauté réagit aux conclusions de l’étude

Dans un communiqué, le chef de Grassy Narrows, Rudy Turtle, a indiqué que les conclusions de l’étude venaient appuyer ce que croyaient depuis longtemps les membres de la Première Nation.

Il note que << chaque personne à Grassy Narrows a été touchée par le déversement de mercure, que ce soit en perdant des êtres chers, en tombant malade, par la pauvreté ou la perte de culture >>.

Depuis sa création dans les années 1980, l’entité qui attribue des indemnités aux personnes qui souffrent des effets toxiques du mercure à Grassy Narrows a déjà 1489 demandes initiales de compensation financière.