Grassy Narrows conteste la constitutionnalité de la Loi sur les mines

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La Première Nation de Grassy Narrows, située dans le Nord-Ouest de l’Ontario, intente une deuxième poursuite en deux mois contre le gouvernement Ford. Cette fois-ci, elle souhaite contester la constitutionnalité de la Loi sur les mines.

Depuis plusieurs années, la Première Nation remet en question la légalité des claims miniers sur son territoire et les autres terres autochtones de l’Ontario octroyés par le gouvernement.

Il existe une zone plus de quatre fois la taille de Toronto autour de la Première Nation où se situent des concessions minières. 93 % de ce territoire est assujetti à la Loi sur les mines, permettant aux entreprises d’exploiter librement sans consulter la communauté autochtone.

L’avocate qui représente Grassy Narrows, Jackie Esmonde, souligne que cette activité pourrait empirer la contamination des sources d’eau responsables de l’empoisonnement au mercure des membres de la communauté depuis des décennies.

<< Plusieurs de nos membres pratiquent toujours la chasse ou la pêche. Ils vont cueillir des bleuets, du riz sauvage et d’autres ressources naturelles pour subvenir à notre style de vie >>, explique le chef Rudy Turtle. << Ça devient de plus en plus difficile. >>

Si les tribunaux donnaient gain de cause à Grassy Narrows, ils pourraient exiger de la province qu’elle révoque des milliers de permis associés aux claims se trouvant sur ses terres ancestrales.

De plus, on pourrait lui exiger qu’aucun autre permis ne soit accordé tant qu’elle n’aura pas établi de processus d’allocation en partenariat avec la Première Nation.

<< Je n’ai jamais rencontré Doug Ford >>

Le risque que pose à la communauté l’exploitation autorisée par la province inquiète Joseph Fobister, négociateur pour l’équipe de protection des terres de Grassy Narrows.

<< Nous devons vivre avec davantage de contamination et de pollution. Les niveaux de mercure sont déjà élevés et nous ne pouvons pas gérer plus >>, juge-t-il.

M. Turtle déplore le fait qu’il n’y a toujours pas eu de discussions entre son gouvernement et l’Ontario. Des efforts ont été faits pour essayer d’organiser une rencontre, mais rien ne s’est concrétisé.

<< Ces concessions minières sont accordées et nous sommes seulement avertis après par lettre ou par courriel >>, raconte le chef. << Je n’ai jamais rencontré Doug Ford, mais j’aimerais bien ça. >>

Le député néo-démocrate de Kiiwetinoong, Sol Mamakwa, ajoute sa voix à celle de Grassy Narrows pour demander au gouvernement Ford << d’établir un processus de consultation qui inclut les Premières Nations du début à la fin. >>

Cela permettrait d’assurer << qu’elles puissent consentir dans le cadre des décisions rendues au sujet des activités industrielles qui se déroulent sur leur territoire. >>

Quelles sont les chances de Grassy Narrows?

<< On a déjà eu gain de cause dans un cas, donc je pense que c’est très encourageant >>, estime Me Karine Millaire, avocate et professeure de droit constitutionnel et autochtone à la Faculté de droit de l’Université de Montréal.

Dans le cadre d’un dossier semblable survenu en Colombie-Britannique l’an dernier, le juge de la Cour suprême provinciale Alan Ross a conclu que la province n’avait pas respecté le droit de consultation des Premières Nations au moment de l’octroi de droits miniers.

Dans son jugement, il a donné 18 mois au gouvernement britanno-colombien pour revoir l’octroi automatique de concessions minières.

Me Millaire souligne que ce genre de revendication n’est pas nouveau.

<< On est obligé de consulter à partir du moment où l’on pense qu’un projet de développement de ressources naturelles pourrait affecter des droits d’une communauté >>, explique-t-elle. << Particulièrement dans le milieu minier, il y a une violation assez large de ce principe-là. >>

<< Comme les recours sur cette question spécifique de l’octroi automatique de permis se multiplient, il ne faut pas écarter qu’éventuellement on puisse se rendre jusqu’en Cour suprême. >>