Grassy Narrows : la province aurait caché ce qu’elle savait
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De 1962 à 1970, de 9 à 11 tonnes de mercure ont été déversées par l’usine de papier à Dryden, dans le Nord-Ouest de l’Ontario, près de la rivière Wabigoon. La province était au courant de la présence continuelle de ce poison neurotoxique dans l’environnement depuis au moins 1990.
C’est ce qu’affirme un rapport privé commandé par la compagnie Domtar que vient de rendre public le conseil de bande de Grassy Narrows. Le rapport a été produit par la compagnie True Grit Consulting en 2016.
La rivière Wabigoon traverse plusieurs communautés en aval, dont les Premières Nations de Grassy Narrows et de Whitedog.
Dans le document d’une trentaine de pages, on apprend qu’en mai 1990, du sol imbibé de mercure avait été vu par des travailleurs sur le site de l’usine à Dryden, aujourd’hui la propriété de Domtar.
Le ministère de l’Environnement de l’Ontario de l’époque aurait été avisé, selon le rapport. Une opération de nettoyage aurait été réalisée sauf dans une section ou le ministère aurait conclu que ce n’était pas nécessaire.
Frustration à Grassy Narrows
Le grand chef de Grassy Narrows, Simon Fobister, dit que sa communauté soupçonnait depuis des décennies la présence de mercure dans la rivière.
Il se dit déçu et accuse le ministère de l’Environnement et du Changement climatique d’avoir caché ce qu’il savait par rapport à l’écoulement de mercure dans la rivière.
« Cette négligence est inacceptable. Pendant des années, on nous a fait croire que le problème était réglé et qu’il n’y avait pas de risque de contamination de mercure dans la rivière. Nous allons devoir trouver des réponses, que ce soit par des pressions politiques ou légales », a-t-il précisé.
Il ajoute que ses résidents, surtout les jeunes, souffrent de problèmes neurologiques et physiques à cause de cette négligence.
Des chercheurs japonais ont annoncé l’an passé qu’ils avaient découvert des traces de mercure dans 90% de la population de Grassy Narrows.
M. Fobister réclame maintenant la mise sur pied d’un centre de traitement pour soigner ceux qui sont aux prises avec des effets de la contamination dans sa communauté.
Une « action criminelle », selon Charlie Angus
Le député fédéral néo-démocrate de Timmins—James Bay, Charlie Angus, demande une enquête.
« Le gouvernement provincial savait que les communautés étaient à risque. Pourquoi le gouvernement a-t-il refusé de mettre en place un plan pour répondre à cette contamination? Les communautés étaient laissées en danger, et pour moi, la négligence du gouvernement représente une action criminelle », affirme-t-il.
Charlie Angus ajoute que le gouvernement fédéral doit aussi agir pour assurer la sécurité des résidents de la région.
En juin 2017, la province a promis 85 millions de dollars pour l’assainissement de la rivière Wabigoon.
Le ministère continue de plaider l’innocence
Le ministère de l’Environnement et du Changement climatique a répondu en soirée dimanche. Dans sa réponse, Gary Wheeler, responsable des communications au ministère, décline le plan présentement en place, et rappelle que la province a un budget de 85 millions de dollars pour régler le problème.
« Une évaluation du site industriel de Dryden est en cours pour déterminer si le site est une source continue de mercure dans la rivière », selon M. Wheeler. « Le rapport True Grit recommande d’autres tests et c’est ce que nous faisons. »
De plus, le responsable des communications rejette la responsablitié vers Domtar et réitère que le gouvernement n’était pas au courant de la présence de déversement de mercure. M. Wheeler affirme que « les anciens propriétaires ont installé des puits de surveillance des eaux souterraines sur le site à leurs propres fins. Le ministère n’était pas au courant de l’existence ces puits jusqu’en 2016, lorsque le propriétaire actuel (Domtar) nous a fourni le rapport de Domtar sur les données de ces puits. »
En ce qui a trait aux accusations du grand chef, M. Wheeler dit : « À partir de maintenant, toutes les méthodes, données et résultats de l’évaluation des sites industriels seront partagés de façon transparente avec les Premières Nations, les intervenants et les membres du public. »