Une étude fait des liens entre le mercure et les suicides des jeunes à Grassy Narrows

https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1997400/contamination-mercure-poisson-autochtones-etude

Une analyse de trois générations d’Autochtones exposés à du méthylmercure conclut que la présence de ce contaminant dans l’environnement de la Première Nation de Grassy Narrows a des effets notables sur la santé mentale des jeunes.

La chercheuse Donna Mergler, professeure émérite à l’Université du Québec à Montréal, a révélé mercredi les résultats d’une étude multigénérationnelle faite dans la population de la communauté autochtone de Grassy Narrows, située dans le Nord-Ouest de l’Ontario.

De 1962 à 1975, on estime que 10 tonnes de mercure ont été déversées dans l’environnement de cette communauté par la papetière Domtar.

Maintenant, environ 50 ans plus tard, des liens sont maintenant établis entre la consommation de poisson contaminé par le méthylmercure, sous-produit de la dispersion du mercure dans la chaîne alimentaire, et les problèmes de santé mentale et de suicide observés dans la communauté.

Selon Mme Mergler, l’étude réalisée sur trois générations de la population montre que le méthylmercure présent dans le poisson consommé par les habitants de Grassy Narrows nuit à la santé mentale de toutes les générations qui ont été impliquées dans cette consommation.

Les familles dont le grand-père était guide de pêche ont été les plus touchées par la contamination au mercure, selon l’étude.

« Nous concluons que le mercure a un impact intergénérationnel d’empoisonnement sur les jeunes qui affecte leurs émotions et leur comportement et qui entraîne des tentatives de suicide, ce qui, pour nous, soutient le besoin d’aider [la communauté de] Grassy Narrows à guérir selon la méthode qu’elle préférera », ajoute-t-elle.

Environ 4 adolescentes sur 10 à Grassy Narrows ont tenté de s’enlever la vie

Donna Mergler affirme que lors des années qui ont suivi le déversement de mercure, la communauté a recensé une augmentation du nombre de cas de suicide.

L’équipe de recherche a conclu que le nombre de tentatives de suicide à Grassy Narrows était considérablement plus élevé que dans d’autres Premières Nations.

Chez les adolescentes, ce sont 41 % d’entre elles qui ont tenté de s’enlever la vie, alors que ce chiffre se situe à 15 % en moyenne dans les autres communautés autochtones.

Chrissy Isaac, une mère de famille qui habite à Grassy Narrows, affirme que les conclusions de l’étude confirment les dires de plusieurs membres de la communauté.

Elle affirme que le sujet est particulièrement délicat et troublant pour elle puisqu’elle affirme avoir perdu une nièce qui s’est enlevé la vie mardi.

« Retirez les industries de notre territoire »

Le chef de la Première Nation Grassy Narrows, Rudy Turtle, le dit sans équivoque : le déversement de mercure a ruiné le mode de vie de sa communauté, que ce soit au chapitre de l’alimentation ou dans le domaine du tourisme.

« Nous avons été incapables de continuer nos activités traditionnelles », dit-il.

Le chef demande aux gouvernements de donner de meilleures indemnisations à la communauté pour soutenir les services de santé, y compris dans le domaine de la santé mentale.

Il exhorte les gouvernements à respecter leur autorité sur leur territoire traditionnel.

Il réclame aussi la fin des claims miniers sur son territoire.

Le député néo-démocrate de Kiiwetinoong, Sol Mamakwa, a quant à lui enjoint aux gouvernements provincial et fédéral d’« offrir les ressources appropriées pour le soutien et les services sociaux » dans la communauté.